L'histoire majoritairement racontée de la conquête espagnole évoque des trahisons, la ruse de Cortès et un armement supérieur. Cette façon de raconter permet de glorifier les Conquistadors. David Graeber, anthropologue (décédé en 2020) et David Wengrow, archéologue dans leur ouvrage majeur « Au commencement était…une nouvelle histoire de l'Humanité » en réutilisant des sources passées sous silence, racontent une toute autre histoire.
Une source occultée : la chronique de Francisco Cervantes de Salazar
Une de ces sources, c'est « La chronique de la nouvelle Espagne », un ouvrage d'un chroniqueur espagnol nommé Francisco Cervantes de Salazar. La municipalité de Mexico lui avait accordé une bourse pour raconter l'histoire générale de ce que l'on appelait alors « la nouvelle Espagne ». Il s'était rendu à Tlaxcala et y a entendu des comptes-rendus qui ne concordaient pas avec l'histoire officielle ce dont il rendit compte dans son ouvrage. C'est pourquoi sa chronique resta cachée jusqu'en 1911.
Tlaxcala, cité indépendante
Tlaxcala, au XVIème siècle était indépendant. Sa capitale portait le même nom (Tlaxcala). Les Aztèques de Mexico et les Tlaxcaltèques partageaient une même culture et la même langue (le nahuatl) mais ils étaient en guerre.
Un débat démocratique face aux Conquistadors
Ce qui interpelle Graeber et Wengrow, c'est la réunion d'une assemblée municipale lors de l'arrivée des espagnols afin de décider de l'attitude à adopter. Des juristes, des militaires, des commerçants, des religieux s'y expriment. Cervantes de Salazar y décrit un vrai débat contradictoire avec des arguments relevant non pas d'une autorité hiérarchique mais d'analyses. Quelle décision prendre lors d'un conflit opposant deux Empires, l'aztèque et l'espagnol ?
David Graeber, anthropologue visionnaire
David Graeber (1961-2020) était un anthropologue et militant anarchiste américain, professeur à la London School of Economics. Il est notamment connu pour ses travaux sur la dette et les systèmes économiques alternatifs.
David Wengrow, archéologue
David Wengrow est un archéologue britannique, professeur d'archéologie comparative à l'University College London. Avec Graeber, il a coécrit « Au commencement était…une nouvelle histoire de l'Humanité », ouvrage qui remet en question les récits traditionnels sur l'évolution des sociétés humaines.
Une forme républicaine de gouvernement
Quelle était donc la forme de gouvernement qui existait à Tlaxcala au début du XVIème siècle ? Graeber et Wengrow nous indiquent qu'à Tlaxcala n'existaient ni palais, ni temple central, ni terrain de jeu de balle. Il existait en revanche une structure appelée Tizatlan où se tenaient les délibérations.
Graeber et Wengrow nous révèlent que cette forme « républicaine » n'était pas une anomalie, une exception dans le Mexique précolombien. Les données archéologiques montrent qu'à Teotihuacan à son apogée, quelques siècles plus tôt, il n'y avait pas de rois.
Une alliance stratégique, pas une trahison
Les Tlaxcaltèques décidèrent finalement d'aider les Conquistadores. Ils espéraient que les espagnols vaincraient les aztèques et qu'ils pourraient les repousser après. Ce n'est pas ce qui s'est passé. Peut-on vraiment considérer qu'ils ont trahi les Aztèques ?
Si vous souhaitez en savoir davantage sur le Mexique postcolombien, <a href="/PDF/Le-Mexique-postcolombien_compressed.pdf" target="_blank" class="text-orange-600 hover:text-orange-800 underline">cliquez ici</a>.
L'histoire de Tlaxcala lors de la conquête espagnole révèle une réalité bien différente du récit glorifiant les Conquistadors. Grâce à la chronique de Francisco Cervantes de Salazar, occultée jusqu'en 1911, David Graeber et David Wengrow démontrent dans « Au commencement était…une nouvelle histoire de l'Humanité » que Tlaxcala fonctionnait selon un système républicain au XVIème siècle. Cette cité-État indépendante, partageant langue (nahuatl) et culture avec les Aztèques mais en guerre contre eux, organisait des assemblées municipales où juristes, militaires, commerçants et religieux débattaient démocratiquement des décisions à prendre. L'absence de palais, de temple central et de terrain de jeu de balle, remplacés par le Tizatlan (lieu de délibération), témoigne de cette organisation politique unique. Cette forme de gouvernement n'était pas une exception : les données archéologiques montrent qu'à Teotihuacan, quelques siècles plus tôt, il n'y avait pas non plus de rois. La décision des Tlaxcaltèques d'aider les Conquistadors contre les Aztèques relevait d'un calcul stratégique (vaincre l'empire aztèque puis repousser les Espagnols) plutôt que d'une trahison. L'Histoire officielle a longtemps masqué cette réalité complexe pour mieux glorifier la conquête espagnole.